Albane, plus connue sous son pseudo enabla, est une influenceuse engagée, capable de parler sur Instagram de beauté, de mode mais aussi de sujets plus graves comme les violences conjugales. Elle partage ses points de vue autour de la beauté, le port (ou pas) du soutien-gorge et de bien d’autres choses…
Cela fait plusieurs années que tu partages sur Instagram, Youtube ou sur un blog autour de sujets Beauté. Qu’est-ce qui t’a poussé à démarrer cette aventure ?
Même s’il y avait déjà quelques premières tentatives autour des Skyblogs, on va dire que tout a commencé en novembre 2012, à mes 18 ans. J’étais à la fac, je visais une licence en allemand autour de l’économie européenne. Le sujet est si pointu qu’on était 6 dans la salle de classe, prof et moi compris. Je me sentais un peu seule. Je regardais pas mal de vidéos sur Youtube, notamment EnjoyPhenix qui était déjà là !
Je trouvais géniale cette dynamique qui amenait à avoir plein d’amies, même si c’était par écran interposé, qui répondaient à ses questions ou commentaient ses vidéos. J’ai eu envie, moi aussi, de rencontrer des gens et me sentir au contact d’autres personnes grâce à Youtube. Et je me suis lancée…

Tu as commencé avec des avis ou des tutoriels sur la beauté, la mode… ?
Au début, je parlais de beauté, mais sans vraie compétence, je ne me sentais pas qualifiée pour donner des conseils sur telle façon précise d’utiliser les produits de beauté. Par contre, les gens se sont vite intéressés à ma personne, à ma façon de dire les choses. Beaucoup m’ont fait des compliments, c’était très plaisant.

Une vraie relation s’est alors créée avec ce qui allait devenir ma communauté. Le rythme était soutenu ; je faisais 3 vidéos par semaine sur Youtube, autour de la beauté, du lifetsyle ou de la mode. Au point d’arriver à 10.000 abonnés au premier anniversaire de ma chaîne, ce qui était énorme pour l’époque. Cela a duré un temps. Par la suite, j’ai eu une relation tumultueuse avec les réseaux sociaux.
Comment ça ? Quelque chose s’est passé au point de prendre une autre direction ?
En 2016, je suis passée par une période compliquée. Une relation toxique m’a amené à passer des moments très difficiles, au point de faire un passage en hôpital psychiatrique. J’en ai peu parlé sur le moment. J’ai fermé ma chaîne, hésité à tout arrêter, puis j’ai créé une autre chaîne. Comme une envie de démarrer une nouvelle vie. Ce n’est qu’au début de l’année suivante que j’ai expliqué ce qui s’était passé à ma communauté.
J’ai raconté ce que j’avais vécu : des violences conjugales et sexuelles. J’en ai parlé, car j’avais besoin de me libérer. C’était une façon de créer de la distance avec la personne qui m’a fait souffrir. Une façon de me protéger. Quand j’en ai parlé sur mon blog, l’article a fait plus de 15.000 visites dans la journée. J’ai reçu des centaines de messages de personnes qui ont vécu des choses similaires.

J’ai senti un tournant. Je me suis dis « il faut qu’on en parle, ça peut sauver d’autres personnes et leur éviter de souffrir comme j’ai souffert ». Mes contenus ont permis de libérer la parole, et d’aider d’autres femmes à ouvrir les yeux sur leur situation au lieu de la minimiser, ou à trouver un hébergement pour mettre de la distance avec un mari ou un compagnon menaçant ou dangereux. Des associations sont entrées en contact avec moi. Tout ça a parfois réveillé des souvenirs douloureux, et ce sujet est devenu mon combat. Cela m’a donné beaucoup de fierté, celle d’aider d’autres femmes en difficulté.
Tu prends position sur des sujets de société.. Comment arrives-tu à jongler entre ce combat d’émancipation et ton côté ‘girly’ ?
Je suis simplement moi-même : Albane ! Je suis autant capable de flâner en jogging, traîner dans mon canapé sans chercher à me faire belle, que de me maquiller le lendemain en passant une heure dans la salle de bains. Le contraste fait partie de la vie. J’aime être grande gueule. Je suis entière. On peut être blogueuse beauté, féministe engagée, faire du tutorial makeup et parler beauté ou de sujets plus futiles, puis le jour d’après lancer un débat sérieux. On a tous le droit d’exister comme on est. On ne peut pas ranger les humains dans des cases.

Comment vois-tu ton rapport à la beauté, au corps ?
Il faut se libérer du jugement des autres. Je pense avoir trouvé un équilibre. Par exemple, je n’ai pas peur de faire une story Instagram au réveil en n’étant pas maquillée. Une expérience personnelle m’a permis de découvrir un autre rapport à soi-même. En 2019, j’ai fait un voyage en Nouvelle-Zélande, en van pendant 6 mois. Avec un challenge : zéro maquillage, zéro soutien-gorge. Il faut dire qu’à deux en couple dans 6 m2, on réduit à l’essentiel !

J’ai évidemment des complexes comme tout le monde mais ce challenge m’a libérée. Ça m’a permis de décider librement quand j’allais me maquiller par exemple, sans subir une quelconque pression au prétexte que je sors en bas de chez moi, ou vais en soirée voir du monde, etc. Me maquiller ou pas, c’est du même niveau que savoir si je dois mettre un t-shirt noir ou blanc.
Dans ce cas, comment décris-tu ton intérêt pour le makeup ?
De retour en France, le maquillage me manquait. Je m’étais habituée à mon visage démaquillé, mais j’ai retrouvé le plaisir de me maquiller avec une satisfaction supplémentaire : celle de ne ressentir aucune pression sociale. Juste pour l’envie. Les femmes font l’objet d’une forte pression collective, avec les réseaux sociaux. Elles voient partout des gens retouchés, lisses et beaux. Ça donne l’impression que ne pas se maquiller est grave ! Alors qu’on peut être jolie sans être maquillée.
Oui, mais cela demande d’avoir une “jolie peau”, alors ! (rires)
C’est vrai. Il faut dire que j’ai de la chance sur ce point. J’ai mis mon premier fond de teint après 18 ans et je n’ai jamais eu d’acné. La nature m’a donné une peau sèche et réactive, mais qui n’est pas marquée par des boutons ni aucune cicatrice. De toute façon, je n’aime pas la sensation d’une trop grosse couche de fond de teint.

L’essentiel est que je me sente libre. Je peux me faire un maquillage charbonneux avec un gros rouge à lèvres juste pour le plaisir, sans aller en soirée. Ni porter de soutien-gorge, sujet important pour moi, et sur lequel les femmes sont bien plus dures que les hommes !
Comment ça ? Comment le sujet du soutien-gorge est-il perçu par les femmes, selon toi ?
Je ne porte pas de soutien-gorge depuis deux ans. C’est un choix. On me dit parfois “Tu n’as pas honte ?”, en expliquant que ça ne fait pas de jolis seins, qu’on voit le téton qui pointe… Or ce sont quasi exclusivement les femmes qui font les remarques ! Cette agressivité est pour un moi le signe d’un manque de confiance, de ne pas être soi-même bien dans sa peau. Le regard des femmes est souvent très corrosif, elles se jugent énormément entre elles. J’ai déjà observé des femmes fixer ma poitrine avec un regard réprobateur, en me jugeant parce que je n’avais pas de soutien-gorge. Alors qu’aucun homme ne se permettait la moindre remarque ni regard lourd. Il faut dire que j’ai une petite poitrine.. un homme en surpoids a plus de seins que moi (rires) !
C’est tout de même plus compliqué pour une plus forte poitrine, non ?
Certes, on peut avoir mal à la poitrine quand on court, et c’est moins discret dans certaines situations. Mais si on ne porte pas de soutien gorge, en général, ça ne fait pas mal. Il faut réhabituer le corps et les pectoraux à soutenir les seins. Pour les petites poitrines, ça développe le volume. Pour les plus grosses poitrines, ça aide aussi au maintien.
Pour moi, ces freins liés au port du soutien-gorge tiennent plus du blocage culturel et psychologique. Quand je suis revenue de Nouvelle-Zélande, j’ai enfilé à nouveau mes soutifs. J’ai vu que 95% étaient devenus trop petits ! J’avais pris en taille. Le muscle derrière le sein avait grossi, mes seins étaient remontés, avec une taille en plus. Et je pense qu’il n’est pas nécessaire d’attendre 6 mois pour s’habituer. Nos muscles ont une mémoire. Notre corps est capable de porter le poids des seins. Alors oui, les seins qui tombent, c’est une réalité, c’est lié à la gravité et à l’âge. Mais muscler les pectoraux en oubliant le soutien-gorge est aussi une façon de retarder l’effet du temps.