Ancienne directrice d’études chez l’institut de sondage Ipsos, Delphine Cohen a fondé son propre cabinet Tell Me More pour scruter, notamment, les habitudes de consommation du secteur beauté. Elle nous partage son point de vue sur les tendances qui font le marché des cosmétiques et des soins de la peau.
L’année 2020 nous a fait prendre un nouveau rythme à cause de la crise sanitaire. Entre le télétravail et le port du masque, en quoi cette crise a changé nos habitudes, nos gestes de beauté au quotidien ?
Un changement a eu lieu dans les routines de beauté. L’industrie du maquillage a globalement vu ses ventes baisser : le travail à la maison, le port du masque l’ont rendu moins indispensable. Par contre, on s’est davantage filmé en visioconférence, alors on a parfois compensé la distance et le manque de lumière par des couleurs plus flashy. La période est morose, donc on a envie de peps !
Les parfums, aussi, ont vu leurs ventes diminuer. Les confinements, les mesures de distanciation, la réduction des déplacements des personnes en fin de journée ont logiquement fait disparaître certaines occasions de se parfumer. Pour autant, des secteurs d’activité ont bien marché, comme les soins de la peau !
Pour quelle raison les produits liés à la peau se vendent-ils si bien ?
On constate que les femmes prennent plus de temps pour prendre soin de leur peau. Lors du confinement, certaines d’entre elles ont confié que leur peau avait changé. Moins de pollution, moins de stress lié aux transports… cela se voyait sur leur visage. Elles ont pris le temps de faire un masque ou un gommage.
La période a encouragé un repli sur soi, avec la préservation d’un bien-être à la maison. Par exemple, les gens n’ont jamais autant cuisiné ou fait leur pain que durant le confinement. De nouvelles habitudes se sont installées, au moins temporairement durant cette période. Les gens ont découvert un autre rapport au temps, et ont pris davantage soin d’eux dans la salle de bain notamment. Simplement parce qu’ils disposaient de davantage de temps pour le faire.
La technologie fait-elle aussi émerger de nouveaux réflexes ?
Il y a bien une “accessoirisation” de la beauté, notamment avec les brosses nettoyantes. Les nouvelles générations de produits marchent très bien. Surtout, le numérique a permis de rapprocher les clients des marques. Aujourd’hui, il est facile de se filmer avec son téléphone pour donner son témoignage. Les marques doivent apprendre à utiliser ce nouveau mode d’interaction. Elles ont encore des difficultés à le faire.
Cette période a aussi été l’occasion, pour beaucoup de chiner et apprendre en ligne, de découvrir de nouvelles approches de la beauté ?
Disons que le public donne de plus en plus d’importance à une approche globale de la beauté et du corps. On peut parler de beauté holistique. On s’intéresse à sa peau, à son bien-être général. Chacun aujourd’hui peut comprendre que la santé de notre corps et de notre esprit sont liées.
Comment cette vision d’une beauté plus à l’écoute du mental ou de notre quotidien, se traduit-elle dans les faits ?
On prend en compte ce que l’on met sur sa peau, mais aussi ce que l’on mange, avec la nutrition. On s’intéresse à l’exercice physique que l’on pratique. Le yoga, le sport à domicile sont entrés dans beaucoup de foyers.
Des gens ont compris que ressentir moins de stress pouvait avoir un impact positif sur leur mental comme sur leur apparence. Et dans une certaine mesure, le public attend d’être guidé par les marques. Celle-ci est invitée à jouer un rôle de coach, de suivi, d’accompagnement. La notion de service s’ajoute à celle du produit de beauté ou de soin de la peau. Une autre prise de conscience collective concerne les sujets liés à l’environnement, qui modifient aussi les comportements.
C’est-à-dire, quels sont ces nouveaux choix ?
Les clientes donneront de plus en plus la préférence, quand c’est possible, à des emballages recyclables, à l’utilisation de produits provenant d’une filière bio ou simplement moins polluante. On apprécie aussi le fait main, le ‘do it yourself’, même si les marques de luxe restent encore éloignées de ce phénomène.